La stimulation cognitive dans la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer se caractérise par l’apparition de troubles cognitifs qui, du fait de leur évolution, vont avoir un retentissement important sur le quotidien du patient, réduire son autonomie, ainsi que sa qualité de vie et sa confiance en soi. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2011 concernant la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées détaillent les interventions non médicamenteuses agissant notamment sur la cognition.
Définition : la ou les stimulations cognitives ?
Dans la littérature scientifique, la première méthode décrite est celle de ¬Taulbee et Faolsom en 1966,1 nommée « reality orientation ». Celle-ci consiste à des sessions quotidiennes de groupes de patients travaillant avec différents supports (calendriers individuels, puzzles, localisations de lieux) sur des thématiques prévues. Depuis, le terme de stimulation cognitive a émergé et s’est précisé comme une méthode impliquant la personne dans un ensemble d’activités et de discussions générales se pratiquant généralement en groupe. L’objectif est de stimuler les connaissances préservées et de proposer une automatisation de certaines stratégies pour améliorer le fonction¬nement cognitif, fonctionnel et social.2
Avec le développement des connaissances sur le fonctionnement cognitif, deux autres méthodes complémentaires ont vu le jour.
La première est l’entraînement cognitif qui correspond à une pratique individuelle guidée par la réalisation d’un ensemble de tâches standardisées, sous format papier ou informatisé, pouvant impliquer des représentations d’activités de la vie quotidienne. La fréquence, la durée et le niveau de difficulté dépendent des capacités du sujet. Cette technique a pour objectif d’améliorer ou de maintenir le fonctionnement du domaine cognitif entraîné sur la base d’un bilan neuropsycho-logique initialement réalisé.
La seconde est la réhabilitation cognitive, aussi appelée réadaptation cognitive, qui trouve ses origines dans la prise en charge de patients ayant des lésions focales à la suite de traumatismes crâniens ou d’accidents vas¬culaires cérébraux. Elle consiste à mettre en place des stratégies de compensation des difficultés dans la vie quotidienne via des situations concrètes rencontrées par les patients. C’est un travail individuel qui s’appuie sur un renforcement des capacités cognitives préservées ainsi que sur un entraînement des processus déficitaires.
Objectifs de la stimulation cognitive
Dans la maladie d’Alzheimer, les objectifs de la stimulation cognitive sont de ralentir le déclin cognitif global ainsi que la perte d’autonomie dans les activités de la vie quotidienne, mais aussi de maintenir des relations sociales satisfaisantes. Ce travail, fondé sur les mécanismes de plasticité cérébrale peut se faire par : le soutien des fonctions fragilisées, l’entretien des fonctions préservées, mais aussi la mise en place de stratégies compensatoires dans les différents activités (quotidiennes, de loisirs et de travail), en s’adaptant à la sévérité de l’atteinte cognitive.
Le travail des fonctions lésées permet de stimuler par exemple les facultés de mémoire épisodique, fonction principalement altérée en début de maladie, et de favoriser la mise en place de stratégies cognitives compensatoires (par exemple renforcement de la trace mnésique grâce à un double encodage).
Le travail des fonctions préservées va, quant à lui, permettre d’essayer de maintenir les systèmes cognitifs efficients dans le temps et de s’en servir de fonctions supports. En effet, la maladie d’Alzheimer peut également s’accompagner d’une difficulté de raisonnement, d’orientation dans le temps ou dans l’espace, de difficultés à s’exprimer mais l’étayage des fonctions préservées permettra de réduire leur impact.
Enfin, la mise en place de stratégies de compensation des difficultés est importante pour maintenir l’autonomie du patient. Cela peut se faire par exemple par l’utilisation d’un agenda pour noter ses rendez-vous, d’un carnet pour noter les tâches à faire ou par la mise en place d’un pilulier pour aider le patient dans la gestion de ses médicaments. Des structures et des professionnels sont disponibles afin de mettre en place ces stimulations.
Un autre objectif de la stimulation cognitive est d’améliorer la confiance et l’estime de soi, la motivation et l’état affectif. La motivation interfère de ¬manière significative avec le niveau du fonctionnement cognitif. Une amélioration subtile est perçue par le sujet comme une affirmation de compétence et augmente donc l’estime de soi et améliore son état thymique et par conséquent sa qualité de vie.
Résultats observés
Les résultats d’efficacité publiés dans la littérature scientifique sont très variés et peuvent se montrer discordants. Afin de déterminer l’apport des prises en charge cognitives dans les interventions non médicamenteuses, des méta-analyses respectant les recommandations Cochrane ont été réalisées, incluant des études randomisées contre placebo.
Plusieurs méta-analyses montrent des résultats positifs concernant la stimulation cognitive. Un effet positif sur les tests cognitifs (notamment après 12 mois de suivi), la qualité de vie et les interactions sociales a été mis en évidence sur 15 études randomisées impliquant 718 patients souffrant de démence à des stades légers à modérés.1 De même, une équipe a montré sur l’analyse de 5 études impliquant 315 patients un effet positif sur le mini mental state examination (MMSE) chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer, en association avec une thérapie médicamenteuse par inhibiteurs de la cholinestérase.
La combinaison des deux thérapies serait également plus efficace sur les troubles du comportement qu’un traitement par un inhibiteur de la cholinestérase seul. Néanmoins, les études peinent à mesurer les effets bénéfiques sur les activités de la vie quotidienne.
Seule la réhabilitation cognitive semble avoir un effet positif sur cette dimension, les patients ayant l’impression d’atteindre leur objectif personnel et se sentant mieux sur le plan de la mémoire après l’intervention. En revanche, aucun effet positif significatif n’a été montré après la pratique des sessions d’entraînement cognitif sur les activités quotidiennes. Par ailleurs, quelle que soit la méthode utilisée, aucun effet négatif n’a été mis en évidence dans la littérature.
Néanmoins, les limites principales de ces études se portent sur l’hétérogénéité des stades de la maladie (patients à un stade de trouble cognitif léger jusqu’à un stade sévère), le manque d’évaluation de l’efficacité dans le temps (peu d’études allant jusqu’à 24 mois) et la définition même de la stimulation cognitive dont les programmes peuvent être différents en fonction des patients et des pratiques.
Ralentir la perte d’autonomie
La stimulation cognitive est une méthode non médicamenteuse très souvent prescrite dans la prise en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. Bien que son efficacité soit encore discutée, les méta-analyses semblent plutôt favorables et la stimulation cognitive peut être bénéfique au patient dans sa vie quotidienne, à la fois dans la mise en place de stratégies compensatrices mais aussi dans le processus d’acceptation de la maladie grâce à un soutien et un travail régulier. En France, la HAS définit la stimulation cognitive comme « une intervention cognitivo-psychosociale écologique » se caractérisant par des mises en situation de la vie quotidienne afin de ralentir la perte d’autonomie et de s’adapter aux différents stades de la maladie. Pour les stades légers à modérés de la maladie, un travail individuel peut être proposé pour compenser les processus déficients.